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Articles Monday, April 29, 2024

Jusqu’où la responsabilité parentale peut-elle être engagée face aux actions de son enfant?

By Julie Perreault

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En février dernier, une mère américaine a été reconnue coupable d’homicide involontaire résultant d’un manquement à son devoir légal de contrôler les actes de son enfant. Son mari a également reçu le même verdict pour le même motif, le mois suivant.

C’est que leur garçon de 15 ans, qui les avait informés qu’il entendait des voix et avait des hallucinations depuis un moment, a tué quatre de ses camarades d’école… avec l’arme que ses parents lui avaient récemment offerte.

Quelques heures avant le drame, la direction de l’école les avait rencontrés pour les informer de ses comportements inquiétants et de la découverte de dessins troublants. Les parents n’entreposaient pas l’arme ni les munitions sous clé. Ils n’ont pas ramené leur fils avec eux après la rencontre, le laissant à l’école plutôt que de l’emmener voir un professionnel de la santé mentale comme l’avait exigé le conseiller d’orientation de l’établissement. Ce dernier leur avait même donné au maximum 48  heures pour obtempérer et comptait bien faire un suivi…

Responsabilité parentale et juridique  : même scénario au Québec?

Il est peu commun de voir des parents condamnés en lien avec les gestes de leurs enfants. Ce cas américain vient d’ailleurs de mettre les bases d’une nouvelle jurisprudence, car il s’agit de la première fois que des accusations criminelles sont portées — et des verdicts de culpabilité prononcés — contre les parents de l’auteur d’une tuerie dans une école.  

Mais au Québec, qu’en est-il de la responsabilité des parents face aux actions de leurs enfants? Est-ce qu’un parent pourrait subir des conséquences juridiques si son enfant est un intimidateur récidiviste par exemple? Rien n’est moins sûr, car les parents n’ont pas posé de gestes qui ont entraîné l’intimidation, sauf peut-être une mauvaise éducation. 

« La responsabilité parentale pourrait être mise en cause dans certaines situations exceptionnelles, comme c’est le cas dans l’affaire du Michigan. Mais déterminer que la responsabilité pénale des parents est déclenchée à la suite d’un geste posé par leur enfant, sans qu’ils aient eux-mêmes fait quoique ce soit (une action concrète) sauf rester passifs face à une situation problématique, c’est très différent. Cela exige de créer un régime pénal de culpabilité par omission qui n’existe que dans des cas exceptionnels en droit pénal canadien, comme le refus de prêter secours à une personne en danger sur la route, ou lors de l’usage négligent d’une arme à feu sous leur contrôle », indique Me  Elise Groulx,  Ad.  E.

«  Dans l’affaire américaine, il y avait un lien direct entre les actes posés par les parents et le crime allégué commis par l’adolescent. Les parents lui avaient acheté l’arme qui a servi à tuer les élèves de son école, malgré le fait que leur fils disait entendre des voix. En outre, ils ont refusé de l’amener voir un professionnel de la santé lorsque l’école les a convoqués le jour même pour manifester leur inquiétude face à ce jeune. Les parents avaient la possibilité à plusieurs reprises de poser un ou des gestes qui auraient pu prévenir le crime, tels que lui enlever son arme, ses munitions, voir à s’occuper de ses problèmes mentaux et éviter ce drame. On peut évoquer ici une forme d’abdication parentale  », de renchérir cette dernière.

Responsabilité pénale versus civile

Dans les faits, les jugements reconnaissant la responsabilité des parents sont peu nombreux au Québec, et même au Canada. Toutefois, il y a de nombreux dossiers en matière de responsabilité civile, comme l’explique Me  Caroline McKenna, chercheuse au Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal.

«  Au Québec, l’article 1459 CcQ prévoit une présomption de faute des parents dans leurs devoirs d’éducation ou de surveillance. Mais cette présomption est réfutable. Les parents peuvent présenter une preuve qu’ils ont exécuté leur devoir de surveillance et d’éducation de façon adéquate envers leur enfant. Un parent qui aurait été déchu de son autorité parentale est aussi tenu à la même enseigne, si l’action du mineur est liée à l’éducation qu’il lui a donnée  », explique Me  McKenna.

On reconnaît une présomption de faute lorsque cinq conditions sont remplies, soit  :

  • lien de filiation entre l’enfant et le défendeur;
  • minorité de l’enfant;
  • la preuve de la faute ou du fait dommageable de l’enfant;
  • préjudice à la victime;
  • lien de causalité entre le fait dommageable (ou la faute) et le préjudice. 

«  Si ces conditions susmentionnées sont prouvées, alors le parent doit être en mesure de présenter une preuve pour démontrer qu’il n’a pas commis de faute, qu’il s’est assuré de bien éduquer et d’avoir surveillé son enfant. Mais si aucune preuve n’est présentée par le parent en cause, alors automatiquement le juge reconnaîtra le parent comme responsable des agissements de son enfant  », mentionne l’avocate.

La jurisprudence qui s’écrit actuellement chez nos voisins américains est inédite. Toutefois, il n’est pas impossible que dans des circonstances similaires, un tel dossier puisse être porté un jour devant les tribunaux québécois.

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